La commune se situe sur le littoral de la Manche, la côte est hérissée de falaises de soixante-cinq mètres de hauteur. Longues-sur-Mer se trouve dans le Bessin, 6,5 kilomètres de Bayeux.
Le nom de la commune est attesté sous la forme latinisée [Abbatia Sancte Marie] de Longis en 1027 (chartre de Longues, n° 1), Longœ au 16e siècle, Longense monasterium en 1673.
Diverses étymologies ont été proposées : un nom de personne Longus pris absolument ou une allusion à un « terrain allongé » ou encore un nom gaulois en longo- « navire ».
En 1168, un baron normand du nom de Hugues Wac seigneur de Rubercy fonde une abbaye bénédictine à cet endroit. Tombée en commende en 1526, elle fut supprimée en 1782, faute de vocations. On peut encore en voir des vestiges importants.
La batterie de Longues-sur-Mer est localisée en bordure de la côte, perchée au sommet de moyennes falaises de soixante mètres dominant la mer. La batterie adopte le nom de code Wn 48 et est armée par quatre canons de marine de 15cm TK C/36 fabriqués par Skoda, d’une portée d’environ 20 kilomètres. Ces pièces reposent sur un affût à pivot central Torpedolafette (TP) C/36. Sa construction débute en septembre 1943.
La garnison allemande de la batterie de Longues est forte de 184 militaires sous le commandement de la marine de guerre, la Kriegsmarine. Le site est placé sous la responsabilité des artilleurs de la 4e batterie du Heeres-Küsten-Artillerie-Abteilung 1260, aux ordres de l’Oberleutnant M.A. Kurt Weil.
La MKB (Marineküstenbatterie) Longues est située au centre des plages du débarquement allié, entre les secteurs d’Omaha et de Gold. Cette position favorable aux Allemands inquiète les chefs militaires qui décident de lancer de multiples et puissants raids aériens à compter de mai 1944. Pendant les deux semaines précédant le Jour J, du 28 mars au 3 juin, la batterie ne reçoit pas moins de 1 500 bombes. Les destructions demeurent toutefois limitées, mise à part l’une des casemates M272 dont le béton fut saboté par les résistants français et les câblages électriques reliant le poste de commandement aux casemates de tir qui sont coupés par les bombes, obligeant les allemands à utiliser un système de communication moins rapide et moins performant.
Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, 604 tonnes de bombes sont larguées sur le site par 99 quadrimoteurs. Touchés à plusieurs reprises par des impacts directs, les murs des casemates, épais de deux mètres et conçus en béton armé, tiennent bon.
Le cuirassé léger britannique HMS Ajax, faisant route dans la Manche au sein de la force navale G, reçoit la mission d’ouvrir le feu après le passage des escadrilles sur la batterie allemande de Longues-sur-Mer, à cinq heures trente, avec ses canons de 152 mm et de 102 mm
Les artilleurs allemands réagissent en ouvrant le feu peu avant six heures en direction d’Omaha Beach, sans causer des dégâts sérieux. A compter de six heures vingt, la batterie de Longues engage le navire amiral de la force G (Gold Beach), l’HMS Bulolo, qui transporte l’état-major du 30e corps britannique. Celui-ci est alors obligé de quitter son mouillage et de se replier hors de portée des tirs. Les cuirassés Ajax et Argonaut reçoivent l’ordre de s’approcher au plus près de la côte pour appliquer des tirs précis et ouvrent le feu à 179 reprises : la riposte britannique est telle que la batterie allemande plonge dans un silence total à compter de huit heures quarante-cinq, faisant croire aux marins qu’ils sont parvenus à la détruire.
Plus tard dans la matinée, après des travaux rapides de réparation effectués par les artilleurs allemands, les canons de 15cm ouvrent à nouveau le feu en direction d’Omaha. En réaction, les croiseurs français Georges Leygues et Montcalm ainsi que le croiseur américain U.S.S. Arkansas ripostent à leur tour et parviennent alors à détruire une pièce par un tir direct et endommagent deux autres canons.
La batterie reste silencieuse jusqu’à ce que la quatrième pièce, rescapée des duels d’artillerie, ouvre à nouveau le feu au cours de l’après-midi du 6 juin, aux côtés du canon soviétique de 122 mm, en direction des plages de Gold et d’Omaha, sans parvenir à inquiéter outre mesure les Alliés. Au total, la batterie de Longues a tiré 115 obus en direction des forces alliées pendant le Jour J.
Le 7 juin, les Alliés lancent un nouveau raid aérien aux environs de 09h00 (à l’aide de sept escadrilles de B17 Flying Fortress) qui précède l’assaut des troupes britanniques de la compagnie C du 2e régiment du Devonshire en provenance de Gold Beach. Les fantassins s’emparent de la batterie avant midi et font prisonniers les 120 artilleurs et fantassins allemands rescapés des bombardements, se rendant sans opposer de résistance particulière.
Le site après la guerre
Le poste de direction de tir de la batterie de Longues-sur-Mer, ainsi que les batteries avoisinantes ont servi de décor à l'une des scènes du film « Le jour le plus long » dans laquelle le major Werner Pluskatde la 352e division d’infanterie est un des premiers témoins oculaires de l'arrivée de l'armada alliée. Lorsqu'il voit des milliers d'embarcations à la jumelle, il s'exclame « Mein Gott ! Die Invasion ! Sie kommen ! ».
24 des 60 hectares du site (dont l'emplacement des batteries et du poste de tir) sont la propriété du Conservatoire du littoral depuis 1984.
Après avoir été inscrite en 1994, la batterie de Longues-sur-Mer a fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques le 25 octobre 2001.
De nos jours, l'intérêt de cette batterie est dû au bon état de ses bunkers et au fait qu'elle conserve ses pièces de 15cm d'origine.
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Prototype de port artificiel testé au Canada
Si un port ne peut être pris …
Lorsque les Alliés envisagent un débarquement sur les côtes normandes, les experts en logistique militaire abordent la question de l’emplacement. Un port en eau profonde est indispensable pour que des navires de gros tonnage puissent approvisionner des dizaines de milliers d’hommes. Hélas, en 1944, les deux seuls ports normands sont Le Havre et Cherbourg, qui sont occupés et bien loin des plages choisies pour le débarquement.
Visionnaires, Churchill et lord Mountbatten décident de créer deux ports artificiels d’après les plans d’un ingénieur britannique. L’opération portera le nom de code Mulberry.
Le premier port, Mulberry A, sera implanté devant le secteur américain d’Omaha Beach. Le second, Mulberry B, dans le secteur britannique d’Arromanches.
… il faut en amener un !
Comme tout port, un Mulberry doit comporter des digues et des jetées, des quais de déchargement et des voies d’eau abritées pour rallier la côte. Dans le plus grand secret, les Alliés entreprennent la construction des deux ports. Chacun aura une superficie de 500 hectares et pourra rivaliser avec le port de New York.
À partir de septembre 1943, sur le littoral anglais de la Manche – de Selsey à Dungeness et dans la région de Southampton –, les entrepreneurs en génie civil de 300 sociétés et 40 000 ouvriers se mettent au travail.
Le chantier de la démesure
Le chantier est titanesque : 33 jetées, 23 plateformes de déchargement articulées surnommées “Whales” et 15 km de chaussées flottantes doivent livrer passage aux centaines de milliers de soldats alliés et à leurs véhicules. Une soixantaine de vieux cargos chargés de béton, les Blockships, seront positionnés et coulés au niveau des plages.
Les bombardons : des caissons métalliques reliés entre eux serviront de brise-lames. Surmontés de leurs tourelles de défense anti-aérienne, les caissons Phoenix complètent le système.
Un allié en béton, les caissons Phœnix
600 000 tonnes de béton sont mises en œuvre pour couler ces 212 caissons de béton armé. Construits à Southampton et dans l’estuaire de la Tamise par des sociétés de construction privées, les caissons Phoenix sont parallélépipédiques et conçus dans six tailles, pesant de 1600 à plus de 6000 tonnes.
Les plus grands mesurent 60 mètres de longueur et 20 mètres de hauteur. Leur structure intérieure, cloisonnée, compartimentée, est conçue pour flotter. Des vannes permettent de les remplir d’eau pour les ancrer solidement sur le fond de la mer. La partie émergée forme des digues et des jetées. Assemblés en arc de cercle sur 7 km de long, ils protègent des courants et des tempêtes.
Mise en place et tempête
Le 4 juin, digues, jetées et pontons, tractés par des remorqueurs, commencent la traversée de la Manche. Les caissons Phœnix voyagent à la vitesse de 8 km/h. Le 6 juin, les alliés captent, impuissants, les appels radios alarmants des soldats américains qui se battent déjà sur Omaha Beach.
Le 7 juin, les premiers caissons sont installés. Mulberry A est opérationnel le 16 juin, Mulberry B le 14… parfaitement dans les temps car ils étaient programmés pour entrer en fonction le 27 juin.
Mais c’était sans compter les caprices de l’océan.
Du 19 au 21 juin, une tempête de force 6 à 9 se déchaîne. Les creux atteignent 4 mètres et les vents 145 km/h.
Mulberry A, construit en eau profonde sur un fond de sable est ravagé, il n’aura servi que trois jours. Il sera transformé en chaussée flottante et servira à restaurer Mulberry B qui a mieux résisté. Pendant un mois, ce dernier va déverser plus de 10 000 tonnes de matériel par jour.
Le 17 juillet, le port de Cherbourg est libéré par les Alliés et ouvert aux bateaux de transport de troupes.
Mulberry B sera en fonction jusqu’au 19 novembre 1944. Mission accomplie !
Conceptions
Les ports étaient constitués de trois parties :
- des protections et brise-lames, pour créer un plan d'eau abrité,
- des quais de déchargement,
- des jetées, reliant les quais à la côte.
Les grandeurs théoriques annonçaient les chiffres suivants :
- 500 ha, l'équivalent du port de Douvres,
- 6 km de jetées
- 60 blocksskips navire délibérément coulé pour protéger un port ou un cours d'eau
- 33 plates-formes Loebnitz
Un Mulberry complet nécessitait 600 000 tonnes de béton avec 33 jetées et avait 15 km de routes flottantes pour acheminer hommes, véhicules et matériels sur la terre ferme.
Jetées
Les jetées furent créées en associant les éléments suivants :
- des blockships, vieux navires condamnés et coulés sur place,
- des bombardons, caissons métalliques en forme de croix,
- des caissons Phoenix, énormes caissons en béton armé.
Blockships
Les blockships sont d'abord la première solution pour constituer des brise-lames des ports artificiels. Cargos, vieux navires de guerre, ils sont les premiers à traverser la Manche depuis le port de Poole, où ils avaient été rassemblés. Ainsi, 56 navires vont se positionner dès le 7 juin au niveau des cinq plages pour être coulés, la coque dépassant de deux mètres à marée haute.
Bombardons
Les bombardons, caissons métalliques d'une dimension de 60 × 8 m, sont fabriqués à Portland. Remorqués à travers la Manche, ils étaient reliés entre eux aux endroits choisis et faisaient office de brise-lames au large des ports artificiels. Ces bombardons vont causer de nombreux dégâts lors de la tempête de mi-juin (voir ci-dessous).
Caissons Phoenix
Les caissons Phoenix étaient d'imposants caissons en béton armé, d'une forme parallélépipédique et cloisonnés à l'intérieur. Il fut conçu six modèles de caissons, du plus petit pesant 1 670 tonnes, au plus gros de plus de 6 000 tonnes avec une longueur de 70 m, une largeur de 15 m et une hauteur de 20 m. Sur place, ces caissons étaient remplis d'eau à l'aide de vannes que l'on ouvrait dans chacun des compartiments et reposaient sur le fond de la mer. Seule la partie haute émergeait des flots, formant ainsi des digues de protection et des jetées.
Les 212 caissons Phoenix pour les deux ports, furent construits dans l'estuaire de la Tamise et à Southampton. Les travaux furent confiés à des sociétés privées de construction, comme Robert McAlpine, Peter Lind & Company et Balfour Beatty qui existent encore de nos jours. Dès le 7 juin, ils furent eux aussi remorqués flottants à travers la Manche jusqu'aux côtes normandes à la vitesse de 8 km/h.
Quais flottants auto-élévateur "Lobnitz"
Autre défi technique, les quais mouillés à l'abri des jetées devaient pouvoir suivre les marées, en montant et en descendant. L'ingénieur Pearson Lobnitz conçut des plates-formes de 70 × 20 m, totalisant 1 100 tonnes. Ces plates-formes coulissaient sur quatre chandelles d'acier de 30 m (les spuds), posées sur le fond marin. Des vérins hydrauliques permettaient un débattement de 5 m. Face au village d'Arromanches, sept plates-formes furent reliées entre elles pour former un quai de 750 m de long, relié à la terre par deux voies flottantes.
Voies flottantes, alias pontons Whales
Des voies flottantes, appelées Whales (baleines) furent conçues pour relier les quais au littoral. Conçues par M. Beckett, des passerelles métalliques d'une longueur de 24 m et d'une masse de 28 tonnes reposaient sur des flotteurs creux en béton de 19 tonnes chacun. Ainsi, ces tronçons de près de 150 m de long, composés chacun de cinq passerelles, traversèrent la Manche pour être reliés entre eux face au littoral normand. Un total de 15 km de jetées flottantes furent construites. Après la guerre, certaines de ces passerelles furent réutilisées pour remplacer des ponts détruits par les bombardements à l'intérieur des terres.
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